A. Joffroy-Frixons, P. Colas, K. Abed, M. Gruel, M. Habib

Résumé

Le syndrome de dysfonctions non verbales (SDNV) est une forme de trouble des apprentissages largement évoquée dans les milieux cliniques, pédagogiques et associatifs, surtout dans les pays anglo-saxons et au Québec, mais dont l’identité nosographique n’est pas établie, ce qui freine le repérage précoce de ces enfants et adolescents, et retarde d’autant le diagnostic et donc la mise en place d’un protocole d’interventions. En France, ce terme commence à se diffuser parmi les professionnels impliqués dans l’apprentissage et ses troubles, tandis que ses répercussions spécifiques sur la vie quotidienne, scolaire et sociale des individus gagnent en reconnaissance. Cet article a un triple objectif : 1/faire le point de l’état actuel des connaissances sur la présentation et les mécanismes du trouble, à l’aide d’une revue succincte de la littérature centrée sur les travaux publiés au cours de ces dernières années, notamment deux méta-analyses et un rapide survol des quelques rares études en neuroimagerie qui lui ont été consacrées ;2/tenter de répondre aux questions qui se posent encore sur sa réalité et sa place parmi les troubles d’apprentissage et plus généralement les troubles du neurodéveloppement (TND) à travers l’analyse d’une cohorte de 89 patients ayant été admis ces dernières années dans le centre expert Résodys, consacré à la prise en charge des troubles d’apprentissage sévères dans la région PACA ; 3/enfin, à la lumière des données précédentes, s’interroger sur la pertinence d’une nouvelle critériologie à l’usage des cliniciens, selon une démarche dimensionnelle plus que catégorielle, et apte à aider à une meilleure prise en compte des enfants et adolescents concernés. Nous proposons ainsi une vision nouvelle de ce syndrome, basée non plus sur la mise en évidence d’un écart à la norme mais sur le double constat de la multiplicité des secteurs cognitifs touchés, en général de fac¸ on modérée ou partielle, et sur l’écart de performance, chez un même individu, entre ces différents secteurs, notamment verbaux et non verbaux. De ce point de vue, notre expérience clinique nous écarte d’une partie de la littérature récente tendant à rendre équivalent SDNV et trouble visuospatial. Plus que le déficit avéré à un domaine des fonctions cognitives, tout laisse en effet penser que c’est la multiplicité des domaines touchés, même à un niveau infra-clinique, qui est caractéristique du syndrome. Bien qu’encore peu abondantes, les données de neuroimagerie semblent en faveur d’un défaut de connectivité de réseaux neuronaux impliqués en commun dans plusieurs des fonctions cognitives concernées.