Dans un article désormais classique publié il y a maintenant deux décennies (Brain, 2000 ; 123 : 2373-2399), j’ai proposé une « hypothèse de déficit de traitement temporel étendu de la dyslexie », suggérant qu’un déficit de traitement temporel pourrait expliquer non seulement les particularités de langage des enfants dys, mais aussi un éventail plus large de symptômes liés à une altération du traitement du temps en général. Dans le présent article de synthèse, je revisiterai cette hypothèse « historique » à la fois à la lumière d’une nouvelle perspective clinique, incluant la notion centrale mais mal expliquée de comorbidité, et en jetant également un nouveau regard sur les travaux expérimentaux les plus récents, en se concentrant principalement sur données d’imagerie cérébrale. Dans un premier temps, en cohérence avec la pratique clinique quotidienne, je propose de distinguer trois groupes d’enfants en incapacité d’apprendre à lire, d’occurrence à peu près égale, qui partagent la même présentation initiale (difficulté à maîtriser les règles de correspondance graphème-phonème) mais avec des signes et/ou comorbidités (troubles du langage dans le premier groupe, déficits attentionnels dans le second et troubles de la coordination motrice dans le dernier), suggérant ainsi, au moins en partie, des mécanismes de déclenchement potentiellement différents. Il est ensuite suggéré, à la lumière des informations d’imagerie cérébrale disponibles à ce jour, que les trois principales présentations/associations cliniques de troubles cognitifs qui compromettent l’acquisition des compétences en lecture correspondent à trois patrons distincts de mauvais câblage ou de « déconnexion » dans des réseaux cérébraux spécifiques qui ont en commun leur implication dans le processus d’apprentissage et leur forte dépendance aux caractéristiques temporelles du traitement de l’information. En référence à la théorie classique du déficit de traitement temporel et aux preuves récentes d’une incapacité du cerveau dyslexique à réaliser un couplage adéquat de l’activité cérébrale oscillatoire aux caractéristiques temporelles d’événements externes, un modèle général est proposé selon lequel un mécanisme commun de découplage entre divers processeurs déconnectés - et/ou mal câblés - peut expliquer des formes distinctes de troubles d’apprentissage spécifiques, les troubles de la lecture étant une caractéristique plus ou moins constante. Enfin, les implications thérapeutiques potentielles d’un tel point de vue sont examinées, avec un accent particulier sur les méthodes cherchant à améliorer la connectivité intermodale entre des systèmes cérébraux distincts, y compris ceux utilisant un entraînement rythmique et musical chez les patients dyslexiques.

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Article Brain Sciences 2021 - PDF - 3.2 Mo